Travail sous forte chaleur : quel est le rôle du CSE ?

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La multiplication des épisodes caniculaires transforme la gestion de la chaleur en enjeu majeur de santé au travail. Météo‑France a dénombré 18 jours de vigilance orange « canicule » durant l’été 2024, soit le double de la moyenne 2010‑2019, et projette une multiplication par 5 de ces journées d’ici 2050 .

Pour répondre à cette nouvelle donne, le décret n° 2025‑482 du 27 mai 2025, entré en vigueur le 1ᵉʳ juillet 2025, a inséré dans le Code du travail un chapitre complet consacré aux « épisodes de chaleur intense » (art. R. 4463‑1 à R. 4463‑8) legifrance.gouv.fr.

Ces dispositions renforcent tant l’obligation de sécurité de l’employeur que la responsabilité du Comité social et économique (CSE). Cet article détaille :

  • Les nouveautés juridiques depuis le 1ᵉʳ juillet 2025 ;
  • Les obligations pratiques de l’employeur ;
  • Le rôle opérationnel du CSE, illustré par un cas d’usine aéronautique.

Contexte juridique — qu’est‑ce qui a changé depuis le 1ᵉʳ juillet 2025  ?

Avant 2025

  • Aucune définition réglementaire de la forte chaleur
  • DUERP actualisé « quand nécessaire »
  • Consultation CSE annuelle
  • Information ponctuelle des élus

Depuis le décret 2025‑482

  • Épisode de chaleur intense : activation d’une vigilance jaune, orange ou rouge par Météo‑France (art. R. 4463‑1) 
  • Mise à jour quotidienne du DUERP les jours de vigilance 
  • Consultation obligatoire à chaque adaptation substantielle (horaires, EPI, suspension d’activité) 
  • Information quotidienne en vigilance orange/rouge 

A savoir

Le décret vise tous les secteurs, mais l’étude d’impact mentionne spécifiquement le BTP, l’agriculture, la logistique et l’industrie lourde où les sources de chaleur internes s’ajoutent à la canicule.

travail sous forte chaleur : role du cse

Obligations générales de l’employeur en cas de fortes chaleurs

Identifier et évaluer le risque

L’art. R. 4463‑2 impose une analyse : température, humidité relative, charge métabolique, rayonnement, état de santé individuel.
L’INRS recommande une vigilance accrue dès 28 °C pour un travail physique et 30 °C en situation de bureau.

Mettre en œuvre les mesures de prévention

  • Eau potable fraîche : au moins 3 litres par salarié et par jour si aucun point d’eau courant n’est disponible inrs.fr.
  • Ventilation ou rafraîchissement adiabatique ; stores réfléchissants, écrans radiants.
  • EPI climatiques : gilets rafraîchissants, casquettes anti‑UV, gants respirants ; leur conformité doit être vérifiée (art. R. 4323‑97 mod.)
  • Organisation du temps de travail : décalage des horaires (ex. 6 h‑14 h), fractionnement des pauses, télétravail pour les tâches télé‑réalisables.

Cas spécifiques et populations sensibles

  • BTP : la canicule est assimilée à une intempérie ; l’arrêt anticipé de chantier ouvre droit à une indemnisation jusqu’à 75 % du brut via la CIBTP
  • Femmes enceintes, jeunes, salariés sous traitement : reclassement temporaire ou télétravail sur avis du médecin du travail (art. L. 4624‑1).

 

À savoir
Le non‑respect de ces mesures peut être qualifié de faute inexcusable si un accident survient ; la jurisprudence s’appuie sur les repères INRS et les bulletins de vigilance.

Quel est le rôle précis du CSE face aux risques liés aux fortes chaleurs ?

Co‑piloter l’évaluation des risques

  • Visites de terrain, mesures WBGT, enquêtes anonymes ;
  • Possibilité de solliciter une expertise agréée si la méthode est jugée insuffisante (art. L. 2315‑94).

Rendre un avis avant toute décision

Aménagement d’horaires, achat d’EPI, suspension d’activité : l’avis CSE est préalable, inscrit au procès‑verbal et communicable à l’inspection du travail.

Informer et former les salariés

  • Diffusion de la fiche réflexe INRS “Travail par forte chaleur – Comment agir ?” (ED 6371).
  • Organisation d’un webinaire INRS (replay 6 juin 2024) pour l’ensemble des managers.

Activer les droits d’alerte et de retrait

Tout salarié peut se retirer si les seuils du plan d’action sont dépassés ; le CSE enquête et peut saisir l’inspection (art. L. 4132‑5).

À savoir
Les heures de délégation affectées à la prévention chaleur sont imputées sur le crédit légal ; un accord d’entreprise peut les abonder pendant l’été.

Cas pratique d'une usine de fabrication de pièces automatiques

Rubrique Situation avant plan chaleur (été 2024) Plan d'actions CSE/Employeur (mars-juin 2025) Résultats été 2025
Contexte industriel
24 000 m² d’ateliers (forge, usinage, traitements thermiques) ; 700 salariés dont 320 exposés
Température intérieure max.
45 °C près des presses à forger (38 °C extérieur)
  • Écrans radiants inox et rideaux réflectifs (55 k€)
  • Ventilation adiabatique + ouvrants de toiture automatiques (85 k€)
35 °C (‑10 °C ressenti)
Organisation du travail
Horaires fixes 7 h‑15 h
  • Horaires 5 h‑12 h (jaune/orange) ; 4 h‑11 h (rouge)
  • Rotation opérateurs toutes 30 min ; pauses climatisées 10 min/h
Cadence nominale maintenue (0 % retard client)
EPI et capteurs
EPI classiques
  • Gilets PCM autonomie 2 h (100 % opérateurs forge)
  • Capteurs WBGT embarqués sur chariots ; alerte visuelle ≥ 28 °C
95 % taux d’utilisation (RFID)
Gouvernance CSE
1 réunion/mois
  • Task‑force chaleur : réunion flash quotidienne
  • Tableau de bord Power BI : T°, incidents, stocks EPI
100 % actions bouclées avant 13 h
Accidents chaleur
Investissement : 180 k€
3  malaises légers (‑83 %), 0 AT
Coûts et ROI
Investissement : 180 k€
Économies : 120 k€/an → ROI 18 mois

Chronologie du projet

  1. Mars 2025 – Diagnostic flash : le CSE mandate une expertise agréée ; cartographie thermique par caméra infrarouge, mesures WBGT toutes les 30 min.
  2. Avril 2025 – Négociation : adoption à l’unanimité du plan « Cooling » ; engagement d’achat avant le 1ᵉʳ juillet.
  3. Mai‑juin 2025 – Installation & formation : travaux nocturnes pour éviter les arrêts ; e‑learning de 20 min sur les gilets PCM et la détection d’un coup de chaleur.
  4. Juillet‑août 2025 – Vigilance rouge : alertes SMS automatiques dès WBGT 30 °C ; deux cobots prennent 30 % des polissages pénibles.
  5. Septembre 2025 – REX : présentation en CSE ; absentéisme –1,5 jour/salarié, rebut –2 %.


Pourquoi c’est exemplaire ?

Approche 360 ° (ingénierie, organisation, EPI, IoT, formation), pilotage quotidien du CSE, indicateurs chiffrés à l’appui d’un ROI rapide.


Que doit faire le CSE en cas de vigilance canicule jaune, orange ou rouge ?

Niveau Météo France Documents à recevoir Actions clés du CSE Exemples de mesures
Jaune
Carte J‑1 + prévisions locales
Vérifier eau, ventilation, affichage
Avancer tâches physiques avant 11 h
Orange (canicule)
Carte 6 h + bulletins 12 h/18 h
Réévaluer DUERP quotidiennement ; réunion flash
Horaires 6 h‑14 h, pauses 10 min/h, gilets rafraîchissants
Rouge (canicule extrême)
Bulletin toutes 3 h
Exiger expertise externe ; envisager suspension ou télétravail
Fermeture chantier ; brumisation + ventilation adiabatique ; transferts de charge nocturnes

Ces mesures s’appuient sur la carte quadrichromique de vigilance Météo‑France  et sur l’art. R. 4463‑3 (organisation du travail).

À savoir
Dans certains départements, le plan canicule préfectoral exige un registre nominatif des travailleurs exposés ; le CSE veille à sa tenue et au respect du RGPD.

Quels risques en cas de manquement aux obligations ?

  • Délit d’entrave : 7 500 € par infraction pour l’employeur qui omet de consulter le CSE (art. L. 2317‑1).
  • Amende administrative : jusqu’à 15 000 € en cas de récidive pour défaut de DUERP mis à jour (art. L. 4721‑4).
  • Responsabilité pénale : blessures involontaires (art. 222‑19 C. pén.) – 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
  • Suspension de chantier : mise en demeure de l’inspection du travail (art. L. 4731‑1).
  • Coût social : un coup de chaleur grave coûte en moyenne 25 000 € (AT‑MP + absentéisme) inrs.fr.


Exemple : en juillet 2024, un chantier a été suspendu 48 h après trois malaises successifs ; l’employeur a écopé de 15 000 € d’amende pour défaut de consultation du CSE et absence de points d’eau réfrigérés.

Comment le CSE peut‑il efficacement remplir son rôle ?

  • Réunions flash quotidiennes en vigilance active (10‑15 min) : suivi des mesures, retour incidents.
  • Formation continue : replay du webinaire INRS (6 juin 2024) et diffusion de la fiche ED 6371 inrs.frinrs.fr.
  • Tableau de bord chaleur : indicateurs T°, WBGT, incidents, absences, stocks EPI, accessible sur Teams ou Power BI.
  • Communication multicanale : affiches pictogrammes « Hydratez‑vous », notifications mobile, QR‑codes vers fiches réflexes.
  • Capitaliser : intégrer le retour d’expérience dans le DUERP avant le 31 octobre.


À savoir
Le marché des EPI intelligents explose : casques ou gilets intégrant capteurs température / fréquence cardiaque (ex. SmartHat primé au CES 2024) permettent un suivi individuel en temps réel.

Depuis le 1ᵉʳ juillet 2025, la prévention thermique est devenue un pilier du dialogue social. L’obligation de sécurité incombe toujours à l’employeur, mais le CSE en est le chef d’orchestre : co‑évaluation des risques, avis préalables, formation, droit d’alerte, suivi quotidien.

Le cas de l’usine aéronautique prouve qu’une gouvernance CSE‑employeur rigoureuse peut réduire de 83 % les incidents liés à la chaleur tout en préservant la productivité et le ROI.

En déployant :

  • un DUERP dynamique,
  • des solutions techniques (ventilation, EPI climatiques, IoT),
  • une communication agile (webinaires, fiches, alertes),


l’entreprise transforme la canicule de risque critique en risque maîtrisé. Le CSE, par sa vigilance quotidienne et son expertise, s’affirme comme le garant de la santé, de la performance et de la conformité juridique, même sous un soleil de plomb.

FAQ

Qu’appelle‑t‑on « épisode de chaleur intense » ?

Période durant laquelle au moins un département est placé en vigilance jaune, orange ou rouge « canicule » par Météo‑France.

Depuis quand ces règles sont‑elles en vigueur ?

Depuis le 1ᵉʳ juillet 2025, à la suite du décret n° 2025‑482 du 27 mai 2025.

Qui est responsable de la santé des salariés par fortes chaleurs ?

L’employeur a l’obligation générale de sécurité ; le CSE assure un rôle de contrôle et de proposition.

Le CSE doit‑il être consulté à chaque vague de chaleur ?
Oui : toute adaptation importante (horaires, EPI, suspension d’activité) nécessite son avis préalable.
À quelle fréquence mettre à jour le DUERP en vigilance orange / rouge ?

Quotidiennement, en fonction des données météo locales et des relevés WBGT internes.

Quelles mesures minimales l’employeur doit‑il garantir ?
Eau potable fraîche (≈ 3 L/jour/salarié), ventilation ou rafraîchissement, pauses régulières, EPI adaptés.
L’entreprise peut‑elle avancer les horaires sans consulter le CSE ?
Non ; le changement d’horaires constitue une modification substantielle nécessitant consultation.
Que faire si la température dépasse les seuils et qu’aucune mesure n’est prise ?
Le salarié peut exercer son droit de retrait ; le CSE enquête immédiatement et peut alerter l’inspection du travail.
Quels sont les seuils d’alerte recommandés par l’INRS ?
≈ 28 °C pour un travail physique modéré et 30 °C en bureau ; préférence pour la mesure WBGT.
Comment le CSE peut‑il contrôler la température ?
Par des capteurs WBGT mobiles ou fixes, relevés horodatés consignés dans un tableau partagé.
Le télétravail est‑il obligatoire en vigilance rouge ?

Pas automatiquement, mais l’employeur doit envisager le télétravail pour les tâches compatibles si la chaleur rend les locaux dangereux.

Quand le CSE peut‑il recourir à une expertise externe ?

Lorsque l’évaluation des risques chaleur est jugée insuffisante ou contestée (expert agréé payé par l’employeur).